Corner les pages ne servira jamais à rien. C'est cela qu'il se dit, et pourtant l'abasourdissante nouvelle ne lui fait pas de mal, juste un choc qui s'épaissit et trace son empreinte dans l'épaisseur de son moi.
Cornélius engage la voie, il sait que la conversation déviera sur les trames qu'il a amorcées, or les pages sont loin d'être terminées. Le roman à l'issue de ces tournoiements incessants devra être publié, sous peine de quoi toute son armée d'ambitieuses illusions seraient anéanties. Et l'illustre Dévorat pourra ainsi être puni de la loi la plus juste, et la vérité sera rétablie.
C'est ainsi qu'il aime à penser, Cornélius le vivant. Fiable comme un cheval de trait, et passablement allègre comme un passereau. Il n'a pas pour habitude de louvoyer parmi les traîtres, il lui faut de l'honnêteté dure et concrète, il signera demain. Dévorat peut pourrir, l'auteur détient la fiole contenant le poison de ses immondices. Les réminiscences des affres passées causent à Cornélius un petit haut-le-coeur qu'il réprime aussitôt. Las de voir ces troubles l'atteindre encore superficiellement, il jette le verre et l'eau, sa respiration se calme alors. Il redevient paisible et plein de la plénitude qui l'habite depuis deux mois qu'il a mis la dernière touche à son histoire. Un récit maléfique aux vertus vengeresses, curatives pour lui. Comme la dernière phrase est assassine, comme il se plaît à percevoir tel un médium la pointe de l'aiguille du remords se planter bientôt en Dévorat.
Dévorat est mort, ou tout comme. Cela équivaut à dire qu'en Cornélius comme en tous les autres, un peu de paix se fait place, et la somme récoltée ne sera que la preuve que sa mission aura été nécessaire, non vaine, justifiée. Heureux il est déjà soucieux de distribuer son pamphlet aux plus démunis, à ceux qui ne se savent pas encore atteint de ce mal qui pourrait bien les laisser exsangues pour de bon. 

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