Un printemps vacarme contenant trop de voix. Je vais de l’une à l’autre, tendant l’oreille en pensant percevoir la note de la vérité, quelque part décrochée au détour d’un refrain seriné sans relâche. Les oiseaux purs et légers deviennent des combattants piaillant d’impatience, convaincus que la vie tient à leur chant. Tenir et faire éclater la vérité réside pour eux dans cette constance à se faire entendre. Résister est devenu synonyme de s’époumoner.
L’âpre lutte revêt des habits tantôt volontairement rapés, tantôt encensés juste comme il faut. Il est question de tout: les voix se mêlent, l’unisson est bancal.
L’illusion de l’unisson. La stérilité des solos. Et un petit oiseau sur la branche, hésitant à rejoindre l’une ou l’autre des extrémités: s’ancrer plus près des racines ou prendre le risque de l’envol. Quel envol? Aucune nouvelle note ne se fait entendre, toutes sont les résurgences de périodes déjà lointaines. Parfois se détachent de la cacophonie des tentatives qui se veulent impressionnantes de sophistication. Las, les ténors s’effondrent… petit moineau tombe de la branche tandis qu’un autre quitte le nid à son tour.
Et puis au milieu, ou plutôt très au fond de l’amas de sons, il y a toi. Ni dedans ni dehors. Une voix engagée qui rejoint certaines de celles déjà présentes pour les soutenir sans les ensevelir. Sur tout, une voix qui porte des mots précis, nets. Le reflet de ton exigence qui abolit les creux et fait du tronc commun une caisse de résonance puissante et rassurante, vivante. Ta voix qui s’élève aussi quand tes élans t’emportent soudain, ta colère qui contamine mon âme. J’ai la faiblesse qui flanche alors et les tripes qui tressaillent. Tu m’as réveillée pour de bon tu sais.
Il aura suffi d’une inflexion, le regard aussi j’avoue. Le mien était devenu terne et ta lucidité l’a éclairci. Comme j’ai besoin de tes mots, encore, et de ta langue impétueuse qui saisit tout d’un coup dans une dialectique désarmante. Tu es au début en ayant déjà tout compris.
S’il faut y aller lettre à lettre, autant commencer par la tienne, la première. Je me relève de dix ans et le feu me brûle en dedans.




Olivier Messiaen: Réveil des Oiseaux (1953)

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